Après avoir reconnu que l’archive 46/13 des Archives Karl Polanyi [AKP] avait bien été écrite par Karl Polanyi et non son frère Michael, il faudra se demander pourquoi Polanyi s’est intéressé à ce qu’il appelle ‘Médecine’ dans la première page de l’archive AKP 02/11. On trouve ainsi quatre archives qui traitent de ce sujet :

L’archive 02/11 est constituée de citations et de références qui attestent d’une grande connaissance d’auteurs qui reviennent tout au long de ses quatre archives : Sanctorius, Harvey, Borelli, Sylvius, Boerhaave, Paracelse, Foster, Basile Valentin, Pic de la Mirandole et François Quesnay.

Hormis éventuellement le dernier, Quesnay1, tous sont des alchimistes. Polanyi, à un moment de sa vie, s’est donc intéressé à l’alchimie de lui-même, ou a donc bien reçu des enseignements sur ce sujet.

L’Institut Karl Polanyi date ces archives du début des années viennoises, ce qui est probable puisque les textes sont en allemand et que Polanyi ne manifeste pas d’intérêt particulier pour ces thèmes dans aucune des archives datables sans risque de se tromper et qui sont ultérieures. Cela dit, l’indice de la langue n’est pas suffisant car il faut rappeler que Polanyi a commencé par parler allemand avant d’arriver en Hongrie dans sa jeunesse, et qu’il connait bien les deux langues. De plus, il n’est pas impossible qu’on parlât allemand au Grand Orient de Hongrie, puisque l’élite hongroise parlait allemand alors2. S’il avait bien écrit ses carnets à Wien, il faut donc se demander s’il n’a pas fréquenté une nouvelle loge dans la capitale autrichienne, qui expliquerait la présence de ces notes. Si on trace un lien entre ces archives sur la médecine / alchimie et les conférences données en allemand et en 1939, à London, sur les mystiques allemands et autres « chercheurs de Dieu » gnostiques, et si on considère que ces conférences sont la partie immergée d’un iceberg d’appartenance à d’autres cercles occultes où politique (socialisme de guilde, Fabian Society) et ‘religion’ (cercles hétéroclites des Chrétiens de gauche) se croisent3, cette hypothèse est tout à fait possible.

Il faut tout de même noter que les thèmes et les auteurs étudiés dans ces notes ne sont utilisés, dans ses brouillons ou manuscrits de l’époque, que dans „Der Glauben an die Wahrheiten der Wissenschaftslehre von der Soziologie“ [La croyance dans les vérités du caractère scientifique de la sociologie, 02/02]4 que l’IKP date entre 1920 et 1922, ce qui est tout à fait crédible. C’est donc vers ce texte que les quatre archives convergent et sur ce brouillon inachevé qu’il faut s’attarder.

Rappelons enfin que c’est à cette époque où Polanyi voulait écrire un “Behemoth”, sans qu’on sache s’il utilisait le terme pour la bête mythique qui apparait dans le livre de Job et qui est le pendant du Léviathan5 ou pour le démon, ni si ce projet est l’autre nom de “Gegen die wissenschaftliche Politik”, qu’il évoque dans sa correspondance en 1920.

Notes

  1. Mais sa présence ici mériterait qu’on regarde un peu attentivement qui était ce chirurgien amis des Lumières. Notons cependant que dans les autres archives, notamment AKP 02/24, Polanyi s’intéresse à Quesnay comme économo-politiciens ou comme physiocrate mais pas comme ‘médecin’ ; là encore il faudrait étudier Quesnay attentivement pour voir si celui-ci ne fait pas partie d’une société occulte et si ses textes médicaux et en économie politique ne sont pas liés, avec un arrière-plan religieux ou ésotérique.
  2. Cette question s’ajoute donc à celles que j’ai sur la Franc-maçonnerie hongroise du début du XXe siècle
  3. Avec notamment John Macmurray et Dimitrije Mitrinović comme clefs de voute.
  4. Texte qui doit encore être tapé et traduit.
  5. Pour en faire une critique ou écrire un contre-texte du Léviathan de Thomas Hobbes ? Sur la question voir : « D’où vient le nom Behemoth pour les manuscrits de 1919-1922 ? »

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