Vienne la rouge des frères Jérôme et Jean Tharaud est un livre assez décevant.

D’une part, sur la forme, les éditions Saint-Rémi proposent un pdf scanné et le texte mériterait d’être numérisé et passé sur un format plus convenable pour la lecture. Du coup, ce livre de 253 pages ne ferait qu’une centaine tout au plus dans une édition normale ; à 18 € le livre, cela fait cher la page. D’autant plus que des notes explicatives seraient parfois intéressantes pour éclairer un contexte pas toujours évident à comprendre. Bref, une édition augmentée serait bienvenue.

Sur le fond, on en apprend relativement peu sur la Rote Wien dans laquelle Karl Polanyi a vécu, entre 1919 et 1934, contrairement à ce qui est annoncé dans le titre. Le sujet est véritablement traité entre la p. 102-123 où est un peu décrit comment le docteur Breitner [p. 111 et s.] réussit à faire passer nombre de bâtiments à la Municipalité en taxant leur propriétaire, pour y loger les ouvriers. On aborde un peu les techniques inventives de surtaxation et totalement intrusives qui a permis de financer l’ensemble des bâtiments et services publics qui devaient prendre en charge la vie des gens « du berceau à la tombe ». Jusqu’à obliger les plus grandes fortunes à l’exil, à ruiner les propriétaires et décourager l’emploi devenu trop coûteux, ; soit rien de nouveau sous le soleil d’un socialisme ingénieux pour redistribuer les richesses créées injustement mais qui n’est pas capable d’en produire de nouvelles.

Pour le reste, on suit surtout les tribulations politiques des trois partis (sociaux-démocrates, démocrates-chrétiens et Heimwehr), le va-et-vient dans les velléités de réunification des Reiche, la position financière du pays dans l’après Traité de Versailles, le hiatus sociologique entre la Vienne rouge aux mains des socialistes et le reste de l’Autriche paysans et terriens1), jusqu’à l’ascension d’Engelbert Dolfuss et les luttes violentes entre socialistes et social-chrétiens. En soulignant beaucoup l’appartenance religieuse des individus, notamment des Catholiques et des Juifs, ajoutant une dimension supplémentaire et transverse aux considérations politiques, l’auteur s’attachant à montrer partout où les Juifs sont, tant chez les Libéraux que les Socialistes ou les Conservateurs quand leur intérêt se trouve dans ce camp.

Ça se lit très vite, c’est bien moins instructif qu’espéré au-delà du point de vue catholique, anti-juif et anti-socialiste très marqué – mais qu’importe, un adulte sait garder sa distance et son recul face à un témoignage. J’attendais plus qu’une vingtaine de pages sur la vie quotidienne à Vienne et l’expérience particulière de la Vienne rouge. Et c’est le plus dommageable…

Photo d’entête : “Rotes Wien” par Philipp Oberhaidinger (Der Reumannhof ist ein Gemeindebau in Wien-Margareten.)

Note

  1. Schéma somme toute classique entre ville et campagne, capitale et province.

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